Le Cellier

La Cellérière, la soeur qui s'occupe du cellier, remplit une des fonctions les plus importantes d'une Abbaye. Elle gère les commandes de nourriture, les achats, les vivres de toutes les saisons, le vin, les vêtements. Bref, elle est l'Econome de l'Abbaye. C'est quelqu'un de confiance, ni trop jeune, ni trop âgée.

Le Cellier est un grand rectangle de vingt six mètres de long sur cinq mètres de large. Il se trouve sur le côté Ouest de l'Abbaye, perpendiculairement à l'Abbatiale gothique, laquelle a été bâtie et accolée sur sa face Nord. Les divers murs du Cellier ont été construits en pierres froides bien équarries, surtout sur sa partie Ouest qui est en même temps le mur de clôture de l'Abbaye.

Le mur Ouest, étant le mur protecteur de l'Abbaye, il a été bien construit, en pierres calcaires froides de bonne qualité et de même calibrage. Fiché dans la partie Sud-Ouest de l'Abbatiale, il se plonge jusqu'au niveau du Réfectoire. Des contreforts devaient épauler ce mur, comme au Réfectoire, car les Dortoirs se trouvaient au-dessus. On peut affirmer, au vu des encrages dans l'église gothique que ce mur avoisinait les huit mètres de haut.

On trouve le long de ce mur Ouest deux sorties de chêneau à une hauteur de soixante dix centimètres et espacées l'un de l'autre de sept mètres cinquante. Le premier étant d'une distance de neuf mètres par rapport à l'Abbatiale, l'autre également de neuf mètres par rapport au Réfectoire.
La fonction de ces chêneaux est étudiée dans le chapitre concernant la citerne. Ces chêneaux sont en pierres calcaires, assez épais, et ont été donc insérés dans la construction à l'époque gothique de l'Abbaye, soit la fin du XIII° siècle.

Le mur Sud, lui est assez énigmatique, car il a été remanié, surtout dans sa partie extrême vers l'Est. Des aménagements à l'époque gothique ont eu lieu certainement, et une ouverture avait été probablement faîte au XIII° siècle, puis rebouchée ensuite. Au pied de ce mur, nous trouvons un reste de dallage en coin entre les murs est et Sud.

Il ne subsiste de ce dallage que deux pierres calcaires taillées, les autres ayant été arrachées en 1980 pour en faire certainement des cheminées. Nous nous trouvons sûrement à l'emplacement des latrines. Pourquoi ? : Tout simplement, parce que juste à côté de ce dallage se trouve un chêneau d'évacuation, qui part du mur Est et se termine sous le mur Ouest pour l'évacuation de l'eau à l'extérieur des bâtiments. Ce chêneau était toujours irrigué d'eau du trop plein de la Citerne, ce qui éliminait en permanence toute déjection.

Enfin, nous trouvons là une construction en place avec des restes de feuillure de porte. C'est pour l'instant la seule entrée au Cellier: D'une largeur d'un mètre pile, cette porte comporte cinq marches qui descendent dans la pièce et qui mènent au restant du dallage de la pièce en pierres calcaires. Les restes de ce dallage n'excèdent pas un mètre carré. A sa gauche l'on aperçoit un reste de hérisson de dix mètres carrés. Toutes les autres dalles de la pièce ont disparu depuis longtemps.

Juste à côté de ces marches un deuxième chêneau part également d'Est en Ouest, légèrement en biais. Réalisé en pierres calcaires, il est sous terre sauf la dernière moitié qui se présente comme le chêneau précédent. Sa longueur est de quatre mètres, puisque étant presque droit. Son extrémité est à l'extérieur du mur Ouest.

Il ne reste pratiquement rien du mur Nord du Cellier, puisque l'Abbatiale s'est appuyée contre celui-ci, qui a été démoli lors de sa construction. Nous trouvons une assise de ce mur en pierres froides très bien taillées et bien liées, d'une hauteur de quarante centimètres, mais d'une largeur d'un mètre vingt. On s'aperçoit très bien de l'ajout de l'église sur la chapelle et les deux différences de construction, puisqu'un vide de dix centimètres apparaît entre les deux constructions.

Nous ne pouvons affirmer que toute la hauteur du mur Nord du Cellier était en pierres froides. La pièce l'était assurément à l'époque romane, mais lors de l'édification de l'Abbatiale, les bâtisseurs ont certainement modifié l'architecture de ce mur: Le haut est actuellement en pierres calcaires, mais fait partie intégrante de l'église. Le reste du mur était-il de même facture ? Les constructeurs se sont-ils servis des assises solides de pierres froides du Cellier ? On peur le penser, car toute l'église gothique repose sur de gros blocs de pierres froides. Actuellement, ce mur est fait de bourrage en pierres froides: Il lui manque la pierre de parement, en calcaire dur ou coquillé.
Il est à noter que nous avons découvert une tombe isolée à côté des assises de ce mur. (Voir le chapitre sur la tombe mystérieuse).

On peut conclure que le Cellier devait être composé de différentes parties et surtout remanié tout au long de l'occupation des moniales sur le Site. Les différents appareillages, les traces de murs et de feuillures, l'emplacement des chêneaux, les traces de portes murées nous amènent à être prudent sur cette partie de l'Abbaye.

Le Cellier a été modifié, rallongé au fil des siècles selon ses diverses fonctions au sein des bâtiments qui l'entourent. N'oublions pas que Saint Félix est passé de sept religieuses professes à vingt huit, ce qui amène forcément des changements architecturaux, car il ne faut pas oublier les Converses. La nourriture, la boisson et tout autre matériel ou vêture ne sont pas les mêmes pour dix, quinze ou trente moniales.

Les découvertes réalisées au cours des dégagements du Cellier (qui ont duré trois ans), ont apporté plus de matériel archéologique que dix ans de dégagements ailleurs. De nombreux éléments de la vie des religieuses, ont été mis au jour, grâce malheureusement, aux dégâts des grandes Compagnies des "Routiers".

En effet, La Région du Languedoc a été pillée et envahie au XIV° et surtout au XV° siècle par ces bandes de mercenaires, qui volaient et tuaient. Ceci fut l'une des raisons primordiales de l'abandon de l'Abbaye, isolée sur sa colline et habitée par des femmes.

Nous avons trouvé l'explication archéologique et historique à tant de découvertes dans cette pièce. En effet, Saint Félix a été plusieurs fois pillé, ravagé, et certains bâtiments bien sûr incendiés. Et c'est là que se trouve la clef de nos découvertes. Le Cellier a brûlé deux fois, et pour le reconstruire ou le réaménager, les moniales ont posé deux fois une couche de chaux sur le sol pour le refaire, enfermant pêle-mêle tout ce qui avait été cassé ou enfoui sous les cendres. Quelle manne pour nous sous les deux couches de chaux.

On ne peut citer tous les objets découverts là, mais au moins les principaux : lampe à huile médiévale, bougeoir, céramiques hispano-mauresque, cruches, plats, Clé en bronze, monnaies, dont certaines soudées par la chaleur, des épingles à cheveux, de voile, des dès à coudre, des ferrures de coffrets, des pieds de verre, un sceau en plomb Papal d'Innocent IV , des plombs de pêche, des boutons, des anneaux, des bagues, des attaches de bure, une plaquette en bronze d'identité d'une moniale, des fragments en plomb de vitrail, deux pièces de jeu d'échec en os...