La foule de visiteurs ou touristes venant visiter l'Abbaye Saint-Félix de Montceau, n'ont d'yeux que pour l'Abbatiale ou pour le Site. Certes, l'architecture ostentatoire de l'église gothique efface la petite chapelle romane, sur laquelle pourtant les bâtisseurs ont appuyé l'édifice grandiose.
Rares sont les personnes découvrant là l'évocation du premier culte chrétien de la communauté religieuse Bénédictine. Les compagnons qui ont construit cette chapelle ont eu la même difficulté que leurs frères, deux siècles plus tard, pour l'édification de l'Abbatiale gothique.
Pourtant ils auraient pu construire la chapelle plus loin ou plus près. Ceci s'avéra impossible, non sur le plan architectural mais spirituel. En effet, un oratoire wisigothique existait depuis le VII° siècle environ, dédié à Saint-Félix de Gèrone, de la province Espagnole. N'oublions pas que les Wisigoths ont parsemé notre région de noms de Saints Espagnols tirés de leur missel : St Félix, St Eulalie. Sur cet oratoire fut édifié plus tard une construction carolingienne.
Nous voyons encore aujourd'hui les trois étapes des différentes constructions sur cette partie de la construction romane, qui fut au XI° siècle la porte primitive d'entrée de la chapelle. Ainsi, nous rencontrons . le Wisigothique, le Carolingien et enfin le Roman sur lequel, plus tard, s'est adossé le Gothique. Mais revenons à la chapelle romane et à sa description.
Construite sur un oratoire dédié à Saint-Félix, cette petite chapelle, de facture carolingienne, fut aménagée au XI° siècle pour la célébration du culte des moniales bénédictines, qui occupèrent la colline vers l'an 1050.
Eglise primitive de l'Abbaye et orientée Est - Ouest, elle fut bâtie à l'endroit le plus bas du mamelon rocheux. Etroite et assez courte (3,90 x 12 m), son architecture en pierres froides (calcaire dur) d'une taille régulière nous surprend. La petite dimension de son appareillage nous la ferait croire antérieure au XI° siècle, car de nombreux remaniements eurent lieu lors de l'implantation de la communauté religieuse Bénédictine .
Sa face Nord comprenait deux ouvertures, dont l'une était la porte d'entrée principale. En effet, un linteau monolithe est couronné par un arc plein cintre.
Au-dessus, un deuxième arc postérieur a été ajouté lors de l'édification de la chapelle. Cette entrée originelle est la partie la plus ancienne de l'Abbaye.
Si nous nous approchons de la construction, nous apercevons en retrait du linteau, supporté à l'aide de deux corbeaux grossiers, une pierre calcaire dure et épaisse, toute à fait différente des matériaux employés pour la réalisation de la chapelle.
Lors de la construction de l'Abbatiale, cette porte fut bouchée et servit " d'Armarium ". Au-dessus, un bandeau d'une hauteur différente soulignait les sommets des arcs cintrés.
La nef, de très petite dimension, était divisée en trois niveaux, dont le plus haut se situait à l'abside, éclairée par seule une fenêtre axiale. Le choeur, voûté en cul de four , possède encore des restes de fresques méconnaissables. Au bas du mur Ouest, subsiste en très bon état, une banquette en pierre destinée au repos des soeurs durant la célébration des offices. Devant lui, un puisard était destiné aux ablutions du prêtre affilié à l'Abbaye.
En poursuivant du côté Nord, nous nous trouvons devant l'enfeu (destiné à des reliquaires ou des tombes) central de la chapelle. Ce dernier a été évidé et maçonné pour servir de passage entre les bâtiments claustraux et l'Abbatiale, à la fin du XIII° siècle. Une porte scellait cette deuxième entrée à cette période. Toujours côté nord, le dernier enfeu, se trouvant dans le choeur, a été obturé et bâti en pierres froides pour permettre la construction du clocheton gothique, juste au dessus. Ainsi, il servait d'une solide assise pour l'architecture gothique.
Côté sud, trois arcades en plein cintre reposaient sur des piliers cruciformes. La première, abritait quatre marches menant au dortoir. La deuxième, donnait accès au cloître et la troisième, accédait à la salle capitulaire et permettait au prêtre d'entrer dans la chapelle par trois petites marches. Des arcs doubleaux, supportés par des pilastres, assuraient le soutien de la voûte en berceau, celle-ci couverte de lauzes.
Mais le morceau de bravoure reste le chevet de la chapelle. Le chevet est la partie semi-circulaire qui constitue l'extrémité du choeur d'une église.
Les pierres froides d'un appareillage régulier et épais offrent une puissance et une masse indestructible, telle que l'on peut l'observer dans la construction traditionnelle des chapelles romanes du midi Languedocien et Roussillonnais. Un chanfrein délimite la base du chevet, qui bascule légèrement vers le Nord. Le haut du chevet présente des arcatures lombardes, typiques des constructions méditerranéennes surmontées de dents d'engrenage et d'une corniche. Nous remarquerons dans la facture architecturale de cette chapelle le dénuement de motifs architectoniques. Pas de chapiteaux, pas de modillons, pas de tailloirs ornés et pas de billettes. Nous nous trouvons au tout début de l'époque romane et même à la transition entre la fin de l'empire Carolingien et le siècle des compagnons.
Par la suite, la chapelle romane devenant inutile, elle servit de sacristie et d'aile au cloître, mais surtout une solide assise pour l'église gothique. On peut se poser des questions sur l'appareillage assez grossier de cette chapelle. En effet, l'abside et le chevet présentent une ligne harmonieuse de pierres froides bien appareillées. Si nous poursuivons un peu plus notre étude, nous nous apercevons que la chapelle a été remaniée et construite en plusieurs étapes.
La première travée est la plus ancienne construction (porte primitive de la chapelle). Nous trouvons à la croisée des deux travées (de la porte au passage romano-gothique), une cassure de la construction, sur le départ de la voûte. En outre le bandeau est inégal. Dans la première travée, il monte vers l'Est. Quant à la troisième travée, elle est nettement plus bas que les deux autres : Il est à considérer que les constructeurs ont été obligés de tenir compte de la déclivité du terrain, mais la construction de la chapelle recèle trois époques différentes. La dernière remontant au XI° siècle pour le choeur.
En conclusion, la chapelle romane de l'Abbaye Saint-Félix de Montceau a été bâtie en trois étapes successives. L'oratoire Wisigothique, avec la première travée et sa porte de facture byzantine. L'époque Carolingienne , avec certainement un chevet plat, et sa nef unique. L'époque Romane, avec la construction de l'abside en cul de four et son chevet en arcatures lombardes, dents d'engrenage et corniche.
En prenant du recul pour apercevoir la totalité de la chapelle, nous sommes assez surpris du manque d'harmonie de la construction. Différence des cintres, des bandeaux, de l'appareillage, des arcs et des dallages. Tout concours à une édification hachée, rapide et malhabile comme si une mystérieuse tombe ou des reliques importantes avaient empêché les bâtisseurs de modifier l'aspect hétéroclite de la chapelle. Monsieur Luc Routier, à l'origine de ce texte, considère cette hypothèse comme étant la plus plausible à une époque où l'art roman était le renouveau de l'an mil.