Le Chauffoir

Le Chauffoir de l'Abbaye Saint-Félix de Montceau est relativement petit, et date probablement de la fin du XI° siècle. Au cours des visites dans toutes les Abbayes, Monastères ou Prieurés, il est rare que l'on montre aux visiteurs cette pièce importante des bâtiments claustraux.

Le Chauffoir était la seule pièce chauffée de l'Abbaye, hormis les cuisines bien sûr, à l'occasion des repas. Cette pièce n'était accessible qu'aux moniales âgées ou celles légèrement souffrantes. On peut se demander avec les rigueurs de l'hiver, si cette règle était maintenue régulièrement.

Le Chauffoir de l'Abbaye présente des aménagements et des caractéristiques intéressantes. Il est situé à l'est, perpendiculairement au choeur de l'Abbatiale gothique et dans le droit prolongement de la Salle Capitulaire ou Chapitre. Ceci est pratiquement le plan type d'une Abbaye Cistercienne, à part que la salle des moines est remplacée à Saint-Félix par le Chauffoir. N'oublions pas que l'Abbaye a été d'obédience Bénédictine puis Cistercienne, et à nouveau Bénédictine (voir historique - le rayonnement de l'Abbaye).

Ce Chauffoir a la forme d'un carré de 7 mètres sur 7 et présente sur ses quatre faces des constructions différentes.
La face est se compose d'un gros appareillage régulier en pierres froides (calcaire dur), et aucune porte n'avait été prévue au vu de sa situation par rapport au vent de nord-est. En effet, tous les murs de l'Abbaye exposés à ce vent, sont tous dotés d'une architecture en pierres froides très épaisses et très lourdes, pour parer à la force et l'usure du vent. Les ruines actuelles ne nous permettent pas de dire si une fenêtre existait. Aucun élément de vitrail ni de verre trouvé au cours des dégagements corrobore cette hypothèse.
Le mur Nord s'appuyant sur la Salle Capitulaire, aucune ouverture n'avait été pratiquée.
La face Sud donnait accès à une petite cellule. En effet, on voit actuellement ce mur entièrement fermé, mais on aperçoit sur l'architecture un "coup de sabre" de 2,90 m., preuve qu'une ouverture avait été réalisée auparavant pour accéder à la petite pièce qui serait certainement l'Enfermerie du vieux français : enfermer, d'où la prison, qui était d'usage courant dans les lieux religieux et qui a servi à Saint-Félix lors des abus des moniales au XIV° siècle. (voir historique).
La face Ouest offre certaines particularités intéressantes et assez complexes. L'épaisseur en est de 1,25 m, pour quelle raison ? Nous apercevons la construction simultanée de deux murs, avec un mur intérieur en pierres froides, et un autre mur, accolé, en pierres calcaires. Il nous faut alors revenir quelques siècles en arrière et nous rappeler que le site de l'Abbaye avait été occupé à l'époque Gallo-romaine du bas empire. Une pièce de bronze du III° siècle ainsi que nombreux fragments de poteries ont été découverts sur la colline. La voie Domitienne passait en contrebas, des villas gallo-romaines entouraient cette partie de la Gardiole, et un petit Oppidum se dressait à la place de l'Abbaye. Les bâtisseurs de Saint Félix ont donc réutilisé certaines pierres existantes et ont construit sur d'autres en place : (Lavabo, Chapelle Romane, Salle Capitulaire): Ce mur assez épais, est terminé par une ouverture qui était la porte d'entrée d'une largeur de 1,15 m. On peut apercevoir encore la feuillure de la porte. A côté de celle-ci existait un placard destiné à entreposer le bois à brûler: D'une proportion de 1m sur 1,10 m, il était en bon état avant d'être volé:

L'intérieur de ce Chauffoir est remarquablement agencé. En effet, nous trouvons au centre les restes de la cheminée centrale de 2,40 m sur 1,85 m. Puis nous relevons sur les murs sud et est des niches en pierres froides, recouvertes d'une pierre monolithe de 0,75 m de long. Ces niches étaient destinées à recevoir les braises pour réchauffer les moniales assises dessus.

Il ne faut pas oublier que les pierres froides, (calcaire dur) ont la propriété de garder longtemps la chaleur. Nous trouvons cinq de ces niches dont deux sont remarquablement conservées dans le mur est, les trois autres devant être restaurées dans le mur sud.
Face à la cheminée centrale, au bas du mur ouest, se trouvait une banquette pour le repos des moniales. Cette banquette assez abîmée aujourd'hui mesurait deux mètres de long sur une largeur de 0,75 m. Le dallage a complètement disparu.

Au vu de l'étude architecturale, il apparaît que la toiture était en charpente et tuiles, comme celles de la salle Capitulaire et le Réfectoire. Nous daterons donc ce Chauffoir de la fin du XI° siècle. Aucune trace de colonne, aucune trace d'arc ogival. La voûte était certainement en arc brisé comme les autres pièces de l'Abbaye.

Ce très petit Chauffoir démontre que lorsqu'il a été conçu, le nombre des religieuses ne dépassait pas une dizaine, et que nous nous trouvons donc au début de la création de l'Abbaye, soit vers 1092.

Au cours de son dégagement, comme toutes les pièces de l'Abbaye, qui étaient sous terre, le Chauffoir a révélé de nombreux tessons de poterie noircie, vases, jarres, cruches... de couleur brunâtre, vernis à l'extérieur, mais non à l'intérieur, ainsi qu'une phénoménale couche de cendre et de tuiles romanes. Deux ans ont été nécessaires à son dégagement.