La citerne

Pour construire une Abbaye il fallait trouver un site où l'eau était en abondance, car sans eau, point de culture, point de vie humaine ni animale, aucune vie végétale, aucun moyen de propreté.

Si le village de Gigean était souvent dépourvu d'eau, la situation inverse existait sur la colline de la Gardiole. Malgré la chaleur écrasante du soleil, les soeurs n'avaient pas ce genre de problèmes. Elles arrosaient, abreuvaient leur bétail, lavaient leur linge et leur vaisselle, et bien sûr ne se privaient pas pour boire cette eau si rare au village.

En période de sécheresse des processions partaient de Gigean jusqu'à Saint Félix pour tremper le buste du Saint dans la citerne du couvent et faire revenir l'eau.

Pourquoi l'Abbaye ne manquait-elle jamais d'eau ? Tout simplement par des sources, des résurgences qui alimentaient en permanence la citerne. Pas d'eau de pluie pour alimenter celle-ci, comme dans tant de châteaux, manoirs ou forteresses, qui elles, ont souvent été prises par un long siège qui aboutissait à la reddition, faute d'eau !

L'Abbaye Saint-Félix de Montceau possédait également un réseau remarquable de canalisations très sophistiqué, complexe et étendu.

La Citerne était donc le point primordial de la vie monastique. Aujourd'hui, nous la voyons à ciel ouvert et de nombreuses personnes, visitant le site, en déduisent faussement que l'eau de pluie alimentait celle-ci. Laissons là cette conclusion trop rapide et rapprochons nous un peu plus de l'architecture et des abords de cette fameuse réserve d'eau.

Nous apercevons sur le mur Est de la citerne le départ d'un arc en anse de panier destiné à supporter la voûte. La citerne était voûtée ainsi que maçonnée à l'intérieur. Un dallage se trouvait au-dessus et une fontaine devait être installée sur son faîte au milieu du mur Ouest. Un escalier, du même côté permettait d'y descendre. Nous apercevons un trou au milieu du mur Est ainsi qu'une saillie d'un bandeau de pierre, côté Nord et Sud que l'on nomme en architecture "Boudin", sorte de rebord destiné à recueillir un plancher ou des dalles ; la poutre maîtresse allait se ficher dans le trou du mur Est.

La citerne servait de réfrigérateur et de réserve d'eau. Au dessus se trouvaient les vivres et boissons à conserver à l'abri du soleil, et au dessous, l'eau, et quelle eau, claire et limpide et surtout abondante

Nous observons à l'ouest, au bord de la citerne, une canalisation importante, ou suite de chenaux, dont la pente ne mène pas à la citerne mais au contraire, à l'opposé vers l'Ouest.
Nous nous trouvons en présence du trop plein de la citerne, car les jours de pluie, les sources étaient trop alimentées et la citerne débordait. Cette eau était évacuée par cette canalisation qui passe sous les celliers et alimentait en permanence les latrines de la communauté.

Quelle ingéniosité Bénédictine d'utilisation de l'eau ! Pauvre Gigean et heureuse Abbaye. Ingéniosité des bâtisseurs, qui par leurs réseaux de communication d'eau, pouvaient arroser les plantations environnantes des bâtiments monastiques, protéger leurs assises de l'humidité et des ravinements, évacuer les trop pleins, laver les diverses pièces d'habitation...

Au dessus de la citerne se trouvait le Lavabo. Nous y avons découverts de nombreux Fragments d'éviers, de chenaux, de cruches, mais le plus intéressant vestige architectural est sans conteste une longue canalisation réalisée en pierres froides et calcaires côté Sud-Ouest.
Cette canalisation partait de la vasque, dont nous voyons encore les assises, et descendait en pente douce, en passant sous le mur Nord du Lavabo, pour aller rejoindre le chêneau du trop plein de la citerne et se déverser ainsi à l'extérieur des bâtiments.
Une autre canalisation, dont les pierres ont été entièrement volées par des imbéciles, partait de l'extrémité du mur Sud-Est, également en pente douce, passait sur la citerne pour aller rejoindre la canalisation d'évacuation du trop plein des eaux de pluie du cloître.

Dans le Réfectoire nous avons découverts les chêneaux destinés à l'évacuation des eaux de lavage du pavement. En effet, ils se trouvent à la base du mur Ouest, aux deux extrémités, et recevaient les eaux sales après chaque nettoyage, eaux qui allaient se déverser à l'extérieur de l'enceinte de l'Abbaye. On aperçoit encore sur le mur occidental les deux chêneaux intacts.

Dans les Celliers, dégagés en totalité, nous avons mis au jour en son centre une canalisation composée de plusieurs chêneaux destinée à l'élimination des eaux de lavage de la pièce. Egalement la sortie des eaux usées parvenait à l'extérieur du mur Ouest, hors des murs de la Clôture de l'Abbaye. L'autre canalisation, près du mur sud des Celliers, était destinée à laver les latrines en permanence, comme citée plus haut. En effet, nous avons retrouvé les assises en pierres calcaires d'une petite pièce au fond des Celliers.

La canalisation dont nous avons parlé auparavant, qui devait évacuer les eaux de pluie du cloître. Elle se trouve au pied du chevet de la chapelle romane, et son rôle est multiple. En effet, elle devait d'une part recueillir les eaux de ruissellement et, d'autre part, rejoindre la Piscine du choeur de l'Abbatiale gothique, en passant sous la salle capitulaire, puis continuer son cheminement sous le choeur de l'église et déverser à l'extérieur du chevet de l'Abbatiale, par une barbacane l'eau des ablutions du prêtre dédiée à la célébration des messes, ainsi que les eaux de pluie. Il est à noter que le chêneau de l'Abbatiale mesure environ dix mètres de long en souterrain.

Les bâtisseurs médiévaux avaient réalisé à Saint Félix un réseau important et varié de chêneaux, mais à l'encontre d'autres Monastères, ils devaient beaucoup plus éliminer l'eau que la conserver. Paradoxe intéressant et curieux qui prouve encore une fois que l'adduction d'eau n'a jamais été un problème pour les moniales de Saint-Félix. N'oublions pas aussi que ce lieu fut occupé à l'époque païenne et que le culte de l'eau y fut célébré. (Voir l'étude du Lavabo).